Le Chalet des Roses

Le Chalet des Roses a été construit pendant l’hiver 1863-1864. À sa construction seul le bâtiment principal était prévu, l’aile nord, cédée en location, a été ajoutée en 1927. Le Chalet est inscrit à l’inventaire des monuments historiques depuis 1990.

Les origines

Jusqu’aux années 1860, l’emplacement actuel de ce bâtiment était constitué de terres incultes et de prairies inondées pratiquement tous les ans, car les parcs et la digue n’existaient pas encore. La rive de l’Allier se situait alors approximativement, à l’emplacement actuel de l’allée médiane du parc. Selon un acte notarié du 27 Juillet 1846, ce terrain appartenait à un négociant de tissus de Paris, Salomon Schriber. Et l’on trouvait sur cette terre « une petite maison composée de deux chambres, une grange attenante, avec jardin et deux petits appentis formés de quelques mauvais bois ».

En 1861, l’Empereur Napoléon III effectuait une première cure à Vichy. Il se logea alors dans la villa dite « Villa Strauss » , encore visible, rue de Belgique à quelques mètres du Chalet des Roses. Soucieux de marquer son passage dans la petite agglomération, l’Empereur décida d’apporter une amélioration capitale à l’urbanisme de Vichy. Le 27 Juillet 1861, paraît le décret impérial créant les routes thermales et le nouveau parc. De plus sur l’ensemble des terrains du lieu-dit « Les Communaux », l’État se réserve les surfaces nécessaires à l’implantation des rues, des avenues et du nouveau parc.

Salomon Schriber, propriétaire des terrains sur lesquels se situent actuellement les chalets, décide de mettre en vente. Le premier acquéreur est l’Empereur lui-même qui achète au début de 1862 un emplacement le long du futur boulevard impérial. Selon la volonté de l’Empereur, la construction de deux chalets de style vosgien est immédiatement entreprise.

Le 19 Juillet 1863, en l’étude de Maître Cassard, Schriber réalise la deuxième vente, au profit de son excellence Achille Marcus Fould, Membre du Conseil Privé, Ministre des Finances, Chef de la maison de l’Empereur, Sénateur, Président du Conseil Général des Hautes Pyrénées, Membre de l’Académie, Grand-Croix de la Légion d’Honneur, qui acquière ce jour-là, « un emplacement de 1825 mètres situé à Vichy-les-Bains, quartier des  Communaux  limité à l’est par le Boulevard Napoléon III, au sud et à l’ouest par le nouveau parc et au nord par un terrain vendu par Monsieur Schriber à sa Majesté l’Empereur ; la présente vente a été consentie moyennant le prix de 40 Francs le m2, soit un prix principal de 73 030 Frs ».

Pour la petite histoire, précisons, que le terrain que Salomon Schriber vient de vendre au ministre des Finance sur la base de 40 Frs le m2, avait été estimé quelques semaines auparavant, par le Directeur des Domaines à 4 Frs le mètre.

Achille Fould

La famille Fould est originaire de Lorraine. D’après les archives de la ville de Metz, en date du 21 Janvier 1677, font mention d’un nommé Michel Fould, résidant dans cette même ville. Le père d’Achille Fould vient s’installer à Paris en 1787, il est alors âgé de 18 ans. Il exerce la profession de banquier et se spécialise dans le recouvrement pour des tiers, des créances de l’État et des négociations avec les administrations. Les bouleversements de la Révolution et de l’Empire offrent à Fould des opportunités qu’il saura rapidement saisir. Son ascension financière est fulgurante. Comme fournisseur des Armées Révolutionnaires et Impériales, il réalise une fortune colossale. Sous la restauration, le développement industriel et notamment la création du chemin de fer permet à la banque Fould-Oppenheim d’être l’égale de ses grands concurrents et coreligionnaires : James de Rotschchild et Isaac Pereire.

Achille Marcus est né à Paris le 21 Octobre 1800. Il épouse en 1823, Henriette Golschmidt, fille d’Abraham Golschmidt, important banquier de la Cité de Londres ; il devient peu après membre et trésorier d’une institution prestigieuse et quelque peu tapageuse : « Le Jockey-Club ». Il y côtoie les plus grands noms de l’Aristocratie de l’époque et se passionne rapidement pour les courses, la chasse et le dressage ; c’est cet amour du cheval, qui l’amènera plus tard à Tarbes, célèbre pour ses Haras. Achille Fould se lance bientôt dans la politique.
En 1839, il est élu Conseiller Général des Hautes Pyrénées, pour le canton de Tarbes. En 1842, il est élu Député des Hautes Pyrénées. Dès cette époque, il intervient fréquemment à la Chambre sur les problèmes financiers, monétaires et budgétaires. Il deviendra d’ailleurs un grand spécialistes de ces problèmes. Après la Révolution de 1848, il se présente à Paris pour le parti conservateur. Il emporte le second des 3 sièges à pourvoir à la proportionnelle avec 78 891 voix contre 110 752 au Prince Louis Napoléon et 66 963 au Républicain Raspail. Il apparaît désormais comme l’une des étoiles montantes de la politique.

Il publie des ouvrages dans lesquels il professe deux grandes idées :
– Le progrès social :  »tout en assurant dit-il la liberté du travail et de l’industrie, le sort des travailleurs et de leurs familles doit être garanti, contre les conséquences des crises industrielles, de la suspension des travaux, des infirmités et de la vieillesse ».
– Le libéralisme économique: « considérant dit-il, comme une bonne économie, de confier à l’industrie privée, à la décharge du Trésor, tous les travaux qu’elle peut faire mieux, plus vite et à meilleur compte que l’État ».

En 1849, le Prince Louis Napoléon devenu Président de la République nomme Achille Fould Ministre des Finances. Le Prince-Président est conscient de son manque de connaissances des techniques financières et budgétaires ; il se rallie aux théories de Fould. De son côté, Achille Fould comprend progressivement que seule la personnalité du Prince Louis Napoléon aura suffisamment d’autorité par la suite pour mettre en application ses conceptions financières et monétaires. Dès lors, la destinée de ces deux hommes suit le même parcours, marquée par une estime réciproque, Achille Fould apportera à Louis Napoléon un appui financier important dans la prise du pouvoir et le rétablissement de l’Empire. Il deviendra le Conseiller le plus proche et le plus intime de l’Empereur, du fait de ses fonctions de Chef de la maison de l’empereur et de Membre du Conseil Privé. La construction du Chalet des Roses à Vichy illustre le soin qu’il prendra pendant toute la durée de l’Empire pour maintenir son influence sur son impérial protecteur.

Le chalet et les hommes

C’est à un Monsieur Lefaure, architecte qui termine la construction du second chalet impérial, que Achille Fould demande un devis pour construire un Chalet. Le 15 Octobre le devis est prêt, magnifiquement calligraphié, il n’a guère coûté d’efforts à son auteur. La maçonnerie ? semblable à celle du chalet de l’Empereur. Voici in-extenso le chapitre serrurerie « toute la serrurerie de ce chalet depuis le sous-sol jusqu’au dernier étage sera en tous points semblable à celle du chalet habité par Sa Majesté l’Empereur pendant la saison des eaux, excepté seulement que les serrures, crémones et verrous ne seront point vernis mais bronzés au four ». Le souci d’imitation est tel que la formule « en tous points semblable au chalet de l’Empereur » revient 16 fois dans les 10 pages du devis. Détail amusant « les toilettes seront en porcelaine système anglais Valve Closet à Trap, dépôt rue Holland à Black Friors Road à Londres ». Le devis estimatif, 17 pages de chiffres très détaillés, donne un prix de 80 838 Frs pour 2 chalets. Un seul fut construit dans le premier semestre 1864 et dénommé Chalet des Roses.

Achille Fould n’eut guère le temps de profiter de son chalet, il meurt subitement 3 ans plus tard le 24 Octobre 1867 à Tarbes. L’harmonie ne règne pas semble-t-il entre ses héritiers. Ernest-Adolphe est Député et banquier rue du Faubourg St Honoré. Gustave-Eugène est lui aussi Député au Corps législatif et demeure 24 Place Vendôme, Charlotte-Amélie est Comtesse de Breteuil. Un règlement judiciaire du tribunal de Paris ordonne une adjudication publique à la bougie. Dès la première bougie allumée dans la salle des criées, du palais de justice de Paris, ce samedi 30 mai 1868, c’est leur mère Henriette qui enchérit et acquiert le chalet pour 60 000 Frs. Trois ans plus tard elle meurt subitement à Trouville. Nouvelle adjudication publique à la bougie, qui a lieu le dimanche 14 Juillet 1872 à l’heure de relevé à Vichy. 5 bougies sont allumées successivement et c’est Ernest-Adolphe, le banquier qui reste seul acquéreur pour 40 100 Frs. Trois ans plus tard, il décède à son tour le 31 mars 1875, il laisse des enfants mineurs ce qui justifie une troisième vente à la bougie « la vente publique a lieu en présence d’un grand nombre de personnes venues en l’étude de Maître Monsoivin, notaire à Cusset, ce 17 Octobre 1875 ». C’est à l’extinction de la troisième bougie que le chalet quitte la famille Fould, il devient pour 40 646 Frs 46, la propriété de Charles-Eugène Cadier, Baron de Veauce, officier de la Légion d’Honneur, Sénateur, ancien Député, membre du Conseil Général de l’Allier, Maire de Veauce. A ce nouveau propriétaire la vie réserve un heureux répit pour profiter de son à pied-à-terre vichyssois et c’est le 24 mars 1884, qu’il s’éteint pieusement en son hôtel 118, Avenue des Champs-Élysées.

De nouveau les juges parisiens sont appelés à trancher les litiges qui opposent la veuve Jeanne Cornélie Valentine de Wykerslooth de Weerdersteyn, Baronne de Veauce à ses trois enfants. On se retrouve donc le 15 Avril 1885 à la chambre des criées du tribunal de la Seine. Trois bougies (c’est maintenant une tradition) et l’adjudication est acquise au Docteur Jacques-Antoine-Marie Bignon. Grâce aux archives conservées par la famille Bignon, nous savons que le Chalet des Roses a reçu des hôtes illustres : la Grande Duchesse Marie, sœur du Tsar, le Duc d’Oldenbourg de la Cour de Russie et le Khédive d’Egypte, Ismail Pacha.
En outre, pendant les années de l’Occupation, il hébergea le personnel de l’Ambassade de Hongrie, auprès du gouvernement du Maréchal Pétain.